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Exposé sur la Bretagne à la Belle Epoque par Vincent et Adrien

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Message  Adrien Le duc Jeu 5 Mai - 20:30

LA BRETAGNE A LA BELLE EPOQUE (1900-1914)

1/ La Bretagne en 1900-1914 : mutation ou révolution ?

A/ Une révolution agricole ?

La Bretagne est, à l’orée du XXème siècle, une région rurale et la société bretonne une société « délibérément paysanne », comme l’explique Jean Delumeau dans son Histoire de la Bretagne. Toutefois, entre 1880 et 1914, un certain nombre de progrès techniques vont modifier l’activité agricole et permettre d’améliorer la fertilité des sols. On voit donc s’accroître la production de blé, les cultures sarclées (betterave, pommes de terre) et les cultures fourragères. La Bretagne devient même le premier grenier à blé de l’Europe. Cette amélioration de la productivité entraîne une légère hausse du niveau de vie : les paysans peuvent mieux se vêtir et la nourriture se fait plus abondante.
On ne saurait pour autant parler de révolution agricole. En 1900, on travaille la terre en famille avec des bœufs et des chevaux de trait. Les moissons sont faites à la faux et au fléau avant l'arrivée des batteuses. Les fermes sont de tailles limitées, il s’agit de petites exploitations : 2/3 des fermes ont alors une taille inférieure à 10 ha. De plus, l’agriculture bretonne reste une polyculture de subsistance, bien loin de l’agriculture de spéculation qui commence à se développer dans d’autres régions françaises.
Dans son roman Le Cheval d’orgueil, d’abord paru en breton en 1975, Pierre-Jakez Helias raconte la dure vie d’une famille de pauvres paysans bigoudens peu avant la Première Guerre mondiale. Cet ouvrage, largement autobiographique, appuie notre idée selon laquelle il n’y a pas, à cette époque de révolution agricole, malgré quelques mutations. On a toutefois reproché, comme Xavier Grall dans Le Cheval couché, de donner une image passéiste de la Bretagne. Lecture d’un passage du livre/ Extrait du film.


B-Secteur maritime en expansion : pèche et tourisme :
Ce qu'il convient de remarquer dès les années 1880_1890, c'est que les nombre de stations balnéaires bretonnes croît considérablement, une des raisons principales étant que les mentalités ont changées : en effet, jusqu'alors, les français considéraient les bains de mer comme nuisibles à la santé, dès lors que le vision s'inversa, plus rien n'empêcha le développement de cette nouvelle et fructueuse forme de tourisme.
Dès 1906, on assiste à la création de syndicats d'initiatives, destinés à aider les touristes à mieux organiser leur séjour.(le premier est créé à Pouliguen) Il faut toutefois souligner que cette forme de loisirs est très onéreuse et donc réservée à une élite, les grands hôtels offrant un luxe que seules les classes aisées pouvaient s'offrir.
Concernant les villes, certaines comme Saint Malo et Saint Servan, disposant pourtant de sites permettant le développement des infrastructures liées au tourisme, ne se développent presque pas à partir de 1900, en raison de la présence de l'armée qui garde jalousement ses terrains, au contraire d'anciennes stations comme Dinard, La Baule, Saint Michel Chef Chef et bien d'autres qui connaissent un agrandissement spectaculaire. De même, certaines villes qui n'étaient pas encore fréquentées deviennent de hauts lieux de ce tourisme, comme Saint Brieuc, Perros-Guirec, le littoral morlaisien, avec des stations comme Primel Trégastel qui se développe à partir de 1912, grâce au chemin de fer. Dans ces lieux fleurit alors une multitude d'hôtels et de palaces de grands luxes, voire de villas construites pas les plus riches. Ceux ci sont financés pas de grandes et riches familles soit locales, ou non, qui voient dans cette nouvelle mode un moyen de s'enrichir. Parallèlement à ces constructions immobilières, sont construites de infrastructures liées à cette activité, comme des tennis, des terrains de sport . . .
Un exemple illustratif du succès de ce tourisme est la venue en Bretagne de célébrités comme Sarah Bernardt, sur la Pointe de la Baule, dans une luxueuse villa. Tant et si bien que la côte d'émeraude sera qualifiée de : "rendez vous de l'oppulence".
Outre le tourisme, la pèche est, et ce depuis des siècles, un pivot central de l'économie bretonne. Rappellons que les pêcheurs bretons auraient découvert Terre Neuve avant 1492, ce qui montres bien une tradition et compétence bien implantée. En 1898, ce secteur représente quelques 9017 emplois, soit une part importante de la population active. Les activités varient mais les pêcheurs sont spécialisés dans la pêche hauturière, (qui se développe entre 1860 et 1870) c'est à dire des départs pour de longues périodes de pêche, loin de toute aide, des familles, le produit de ces efforts, la morue, au prix de nombreuses vies humaines. De hauts lieux comme Saint Malo, Concarneau, Brest, montrent de nombreuses marques de cette activité, visibles à une population féminine importante, et à un réservoir de pêcheur également conséquent. Cette population est mise à l'écart du reste de la population, vivant à un rythme différent. Il faut cependant noter que les bretons représentent la moitié du total des pêcheurs français, et donc la majorité du recrutement pour la marine nationale.( un drame assez connu de la première guerre mondiale concernant les pertes navales est le "naufrage du cuirassé" qui a donné lieu à de nombreuses représentations artistiques, son commandant était originaire de Tréguier, et il est représenté sur les vitraux de la cathédrale) L'appogée de cette pêche est atteinte en 1895. Parallèlement, on assiste aussi au développement de la frange littorale avec une augmentation des emplois terrestres liés aux activités maritimes à partit de 1850. Cela ce caractérise pas un accroissement du nombre de conserveries, , des marayeurs, qui profite à la bourgeoisi locale qui s'enrichit considérablement. Un point important concernant la fraction de la population bretonne vivant de cette économie est leur attachement à la religion. La fréquence alarmante des décès de marins, la peur de l'inconnu et la plus faible imprégnation au système laïc de la IIIe République en font un terrain conquit pour le clergé. Devant la crainte du non-retour, les marins qui partent en campagne demandent systématiquement à être confessé, ce qui va jusqu'à poser problème, en raison du nombre limité d'effectifs, même dans les cathédrales, pour s'occuper des tous ces hommes. Cette population promeut également le culte marial qui connait son appogée à la Belle Epoque, tous les hommes contiennent le patronyme "Marie" dans leur prénom, de façon à être protégé par la vierge. Certains parlent même de "fanatisme sacerdotal des pêcheurs". Sur l'ile de Groix, la moitié de bateaux portent le nom d'un saint, preuve de l'importance du catholiscisme dans ce mode de vie.
Un dernier point sur le secteur maritime : le développement conséquent de la construction navale. Dès 1801, ce secteur promettait de devenir important, la construction du bassin du bassin du Penhoët est achevé à Saint Nazaire, ce qui permet à la Loire inférieure de construire de navires à fort tonnage. De plus, les lois du 29 janvier 1881 ordonnent une relance de la construction et une modernisation de la flotte. Les chantiers bretons voient donc leur demande augmenter, avec des commandes de la marine nationale, comme de cuirassé Condorset en 1910, et d'autres vaisseaux qui portent en 1914 la participation bretonne à 27 % de la flotte militaire française et 77% des longs couriers.La Bretagne se démarque aussi par la construction de nombreux transatlantiques avec notemment Le Provence . Cete branche emploie en 1914 environ 6000 ouvriers. Dans des villes comme Brest, il en reste des traces, avec des arsenaux comme celui du Relecq-Kerhuon.

C/ Une nouvelle géographie industrielle

La Bretagne est restée en marge des révolutions industrielles. Là encore, les mutations qui s’opèrent au début du XXème siècle sont limitées. Les industries sont assez nombreuses, mais de taille réduite. On songera par exemple aux faïenceries Henriot de Quimper ou aux papeteries du Finistère et des Côtes-du-Nord. Les industries sont largement traditionnelles et en lien avec l’agriculture : ce sont des beurreries, des tanneries, des usines de construction de machines agricoles. L’impact de ce développement industriel est faible, tant en ce qui concerne le paysage que la culture bretonne. Certes, 26% des Bretons travaillent dans l’industrie en 1914. Mais la Bretagne n’est pas pour autant une région industrielle, c’est un sentiment de ruralité qui domine, y compris dans les villes. Comme le fait remarquer le journaliste Ardouin-Dumanzet à propos de Rennes, « la ville est surtout un marché où viennent s’entreposer les produits de la campagne ».
Néanmoins, nous noterons une exception de taille : l’apparition d’un grand complexe industriel et portuaire en Basse-Loire autour de Nantes et Saint-Nazaire. Chantiers navals et biscuiteries (BN, LU), pour ne citer qu’eux, prennent alors une importance considérable.



II-Séparation de l'Eglise et de l'Etat : l'évolution à l'épreuve du conservatisme :

A-La Bretagne : un berceau du conservatisme (influence des nobles)
Depuis l'annexion de la Bretagne par le Royaume de France, sa population n'a cessé de s'opposer à la volonté centralisatrice de Paris, anti royaliste sous Louis XIV, chouane aux débuts de la révolution, sa réputation d'éternelle insoumise conduisit même les autorités françaises à laisser l'armée des bretons croupir dans le camps de Cluny, sans armes, alors qu'en l'envoyant au secours de Paris, ils auraient pu éviter le désastreux siège de 1870, ou du moins en diminuer l'impact. Ne serais ce qu'au regard de la presse, l'on constate une forte domination des sympathie conservatrices, Le conciliateur orléaniste, est tiré à 500 exemplaires, Le Progrès républicain avancé, est tiré à 300 exemplaires, Le Journal de Rennes légitimiste, à 1000, Le petit courier de la Bretagne républicain avancé, à 800, on peut également citer La Dépèche , originaire de Brest, qui peut être perçue à droite, quoique modérée. Par l'exemple de ces journeaus, on voit donc que le peuple breton suit des idéologies très conservatrices, et même si la république progresse, elle est minoritaire. L'influence de la noblesse et du clergé n'est en rien affaiblie dans le coeur des populations.
Dans le Tableau politique de la France de L'ouest, André Siegfried dit que la Bretagne est "catholique, cléricale, conservatrice et d'esprit peu républicain", cette citation peut sembler brusque et caricaturale, mais en ancrée dans un fond de vérité indéniable. Peuple agraire, les bretons montrent leur attachement à leur religion dès que la révolution s'y attaque, quand les évéchés de Saint Pol de Léon et Tréguier sont supprimés, le peuple s'organise pour faire fuir les évêques en Angleterre et les habitants de Tréguier vident la cathédrale de tous ses meubles précieux, de façon à ce que les culottes rouges ne s'en approchent pas, ils les restitueront à la restauration. Cet attachement aux traditions et à l'ordre catholique va de paire avec un attachement certain à la noblesse locale, appréciée, et donc avec un rejet du mouvement perturbateur qu'est cette jeune république. Cette situation n'a guère évoluée en 1900, les idéologies pro-catholiques restent vivaces, à tel point qu'en 1905, les ¾ des députés bretons se prononcent contre la séparation de l'Eglise et de l'Etat, preuve que la religion n'a pas perdu son pouvoir, et annonce des multiples conflits qui suivent cette loi, contraire aux moeurs bretonnes.
Il faut toutefois noter un certain manque d'uniformité, les campagnes sont plutôt conservatrices tandis que les villes sont plus républicaines, en particulier celles du littoral. Ceci s'explique par une influence moindre des prêtres et des nobles, plus présents et proche de la population en campagen, gardant leurs distances en ville. De plus dans ces dernières, c'est l'Etat, dispensateur d'emplois et de revenus, qui dispose de la plus forte autorité, pouvant facilement convertir ses employés et les ouvrir aux idéaux de la révolution, avec l'arme économique comme argument de force. Ontre cette distinction les régions traditionnelles elles même s'affirment différemment face à la république. La Cornouaille, d'idéologie religieuse mais non cléricale, donc peu attachée au système que veut balayer Jules Ferry, est un berceau de l'esprit républicain , au contraire du léon où le clergé est la seule puissance politique acceptée.Le pouvoir des église est fort dans cette région, où la phrase de mgr l'archevêque de Rennes, parlant d'un "péché de mal voter aux élections" est appliquée à la lettre, et dirigée contre les réformes. En 1903, le "père Combes" inaugure avec ostentation la statue de Renan face à la cathédrale de Tréguier ceci donne lieu à un affrontement de l'internationale et des sonneries de cloches, symbole de la lutte des catholiques contre les socialistes. Rapelons qu'avant 1900, il n'y avait pas moins de 36 députés conservateurs en 1885, dont 9 d'extrème droite, donc un champs d'action limité des républicains, avec un pouvoir législatif hostile, et un risque certain de retournement de situation monarchiste. Ceci montre bien le rôle conservé par la noblesse , que l'on peut assimiler à l'influence du château, existant depuis l'âge féodal, ainsi, en 1902, 14 députés sur 43, et en 1909, 67 conseillers régionaux sur 216 sont issus des grandes familles de la noblesse comme les Rohan, les Kerjegu, et d'autres, dont les plus célèbres sont le duc Alain de Rohan et le marquis d'Estourbeillonde la Garnache, signalons au passage que l'actuel duc de Rohan est lui aussi conseiller régional. Cependant, malgré cette apparente position de force dont disposent les monarchistes, ils ont une faille qu'expoitent les républicains : il s'agit d'un groupe hétérogène !! Les bonapartiste s'opposent aux nationalistes et républicains, tandis que la majorité des monarchiste et conservateur se mobilisent plus dans la defense du catholiscisme. Il n'y a donc pas d'actions communes ni de véritable front commun contre l'action de la IIIe République. L'affaire Dreyfus premet néanmoins de redresser les conservateurs en perte de puissance en haute bretagne, les républicains étant complètement divisés et bon nombre s'alliant avec les monarchistes et catholiques pour mieux lutter. Les rivalités politiques internes empêchent donc une véritable dualité entre la gauche et la droite, même si peu à peu, c'est la gauche républicaine qui l'emporte. Il est cependant difficile pour elle de remplacer les nobles , lesquels sont très bien implantés, notemment dans les communes et les cantons, où ils patientent dans l'espoir d'une restauration, résistant aux assauts qui pouraient les priver de leur dernière parcelle d'autorité.
En soit, les irréductibles bretons, attachés à leurs traditions et valeurs ancestrales que la jeune république entend bien balayer, montrent à la Belle Epoque un dernier sursaut de fierté nationale avant l'incorporation définitive à la France, elle se montre encore plus obstinée qu'à l'accoutumée, et promeut son exemple, tout en affirmant sa culture, c'est durant cette courte période que se créé toute la tradition bretonne telle que nous la connaissons aujourd'hui. Les costumes traditionnels, la musique, la cuisine et le folklore sont institutionnalisés de telle sorte qu'elle puisse survivre dans le nouveau monde de la République.

B-L'affrontement clergé vs république
Comme l’explique le député royaliste de Morlaix, Albert de Mun, en 1905, la Séparation de l’Eglise et de l’Etat est un « divorce prononcé par l’Etat, à son profit, et contre l’Eglise ». Il ne peut admettre un projet qui va « réduire l’Eglise chez nous, les catholiques, à n’être plus, comme une entreprise quelconque, qu’une association formée entre des particuliers, au lieu de constituer un grand service public ». La Séparation des Eglises et de l’Etat prononcée par la loi du 9 décembre 1905 va se révéler particulièrement douloureuse en Bretagne.


C-La résolution des conflits
Comme nous l'avons souligné précédemment, ces conflits parfois très viloents ressemblent au derniers sursauts d'une nation fière avant son assimilation à une autre plus puissante. Le citation suivante : "Il fallait du désordre, autant que de l’ordre, pour faire un monde. » de Henri Queffelec souligne l’importance de cette rébellion pour achever le processus et créer la nouvelle France. Tout d’abord, la chute de cet ancien ordre est du à un affaiblissement important du pouvoir du clergé, en effet, avec les expulsions systématiques des couvents et des écoles, il dispose de moins en moins d’influence sur la population, qu’il ne peut plus contrôler, n’y ayant plus accès, et surtout, ne disposant plus d’un contrôle de la jeunesse, nécessaire pour implanter leurs idées. La laïcisation des écoles a réellement permit la disparition de l’autorité religieuse. De plus, devant l’approche du désastre, les autorités religieuses décident de se soumettre au nouvel ordre, et d’ainsi, devenir les partenaires de cette IIIe République. C’est pour cela que l’archevêque de Rennes décide de se soumettre aux inventaires, proclamant de ce fait la fin de la lutte, acceptant la défaite et décidant de vivre avec les restes d’autorité dont il dispose. De même, un phénomène de résignation des religieux qui acceptent leur sort naît un peu partout, ceux ci acceptent de se soumettre aux inventaires et retournent dans leurs écoles après s’être soumis à l’enseignement laïc. Les derniers réfractaires, ne disposant plus d’appuis choisissent de quitter la France pour toujours, tels moines qui quittent Landevenec pour s’installer en Europe du Nord, préférant un autre pays à la république. Il ne reste désormais plus personne dans les rangs du clergé pour s’opposer à la France.
De plus, les idéaux de la révolution progressant, l’espoir d’une restauration diminuant, le pouvoir conservé par la noblesse jusqu’alors commence à s’effriter, ceux ci sont de moins en moins appréciés alors qu’un nouveau modèle s’installe, promettant l’égalité entre tous. Le peuple se rallie en masse à la république et toute la base des conservateurs vole en éclat, ne disposant plus de l’effet de foule, ils doivent peu à peu quitter les hautes institutions pour se contenter d’un rôle politique accessoire, ils ne sont dès lors plus en mesure de faire obstacle à Paris. Le développement des réseaux de voie ferrées a joué un rôle primordial dans cette victoire en ouvrant la Bretagne au monde, en désenclavant les recoins les plus reculés, elle permet l’arrivée de nouvelles personnes, avec de nouvelles idées, qui peu à peu ont remplacées l’ancien ordre. Ces infrastructures permettent en outre la montée en puissance de la bourgeoisie qui dispose de nouvelles débouchées et, en s’enrichissant, peut promouvoir le système qui l’a fait émerger. Cet affaiblissement des influences conservatrices était la finalité de toutes les actions des républicains.
Il est donc assez évident que les objectifs des lois de 1905 sont atteints, le triomphe progressif du système républicain sur la monarchie, le succès de la politique de Jules Ferry apparaissent comme l’un des faits majeurs de l’Histoire bretonne du début du Xxe siècle.


III-L'intégration à ou par la IIIe République ?

A- Enseignement et suppression de la langue Bretone
Le meilleur moyen d’intégrer des individus dans une nation est de les prendre en main dès l’enfance. La nation, de plus, suppose l’existence d’une langue nationale parlée couramment par tous, comme l’écrit Ernest Renan dans Qu’est-ce qu’une nation. La question de l’enseignement et de la langue est donc fondamentale pour comprendre l’intégration des Bretons dans la IIIème République.
Emile Combes mène une politique visant à combattre l’influence de l’Eglise dans l’enseignement. Cette politique prend la forme d’une triple offensive. D’abord, en 1902, Combes signe des centaines de décrets ordonnant la fermeture d’écoles congréganistes non autorisées, dont bon nombre en Bretagne. Ensuite, en 1903, les demandes d’autorisation des congrégations d’hommes d’ouvrir des écoles sont rejetées en bloc ; il en va de même de plusieurs congrégations féminines enseignantes. Enfin, la loi du 7 juillet 1904 interdit l’enseignement aux congrégations et toutes leurs écoles doivent être fermées dans un délai maximum de dix ans. Un très grand nombre l’est dès l’été 1904 ; religieux et religieuses se voient alors expulsés de leurs couvents. Les victimes de la politique combiste sont pour la majorité des Bretons, « nos églises, nos écoles, nos sœurs » comme l’analyse Yvon Tranvouez. Les expulsions des congréganistes entraînent de multiples incidents.
L’exemple de Saint-Méen, en 1902, nous apparaît particulièrement révélateur. Le maire et les conseillers municipaux décident en effet de soutenir les sœurs menacées d’expulsion, des sœurs qui dirigent la petite école Sainte-Anne. Les deux gendarmes qui viennent notifier aux sœurs la menace d’expulsion qui les frappe sont accueillis par 600 paysans accourus au son du tocsin. Le village résiste, les journalistes accourent. Le Figaro écrit que « les habitants de Saint-Méen, dont le nombre est grossi des habitants des communes voisines, sont massés sur la route qui mène à l’établissement des sœurs ». L’armée intervient, les affrontements font quelques dizaines de blessés. Finalement, les sœurs décident de se séculariser, c’est-à-dire abandonner l’habit de religieux, pour continuer à enseigner. Comme l’écrit Antoine Prost, « comment prouver qu’elles appartiennent toujours à une congrégation ? ». Il faut ajouter à cela que la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905 déclare comme biens de l’Etat tous les biens ecclésiastiques antérieurs au Concordat, ce qui entraîne la fermeture d’une célèbre école, par laquelle est passé Ernest Renan : le Petit Séminaire de Tréguier. L’Etat cherche donc à obtenir la mainmise sur l’enseignement et la lutte entre l’Eglise catholique et l’Etat est particulièrement acharnée sur ce terrain. Les préoccupations pédagogiques cèdent la place à une lutte philosophique, politique et morale.
Le remplissage des écoles catholiques devient une des missions principales du Clergé. L’Eglise forme des vicaires instituteurs et, surtout, des maîtres laïcs, pour limiter les effets des lois contre les congréganistes. En 1913, près de 2000 écoles bretonnes appartiennent encore eu Clergé, qui éduque 40% des élèves et même 50% des filles. Il convient aussi de remarquer que la taux de scolarisation augmente durant cette période, tandis que l’analphabétisme diminue : on ne saurait toutefois prêter les mérites d’une telle évolution à l’une ou l’autre des deux écoles : l’école libre et l’école laïque.
Nous en venons maintenant à la question de la langue. Dans une perspective d’unité nationale et de lutte contre l’Eglise, souvent adepte des langues régionales pour s’adresser au peuple, Emile Combes décide d’interdire ces langues régionales et donc le breton, dès 1902. L’enseignement doit être fait et seulement fait en français ; l’élève surpris à parler breton, même dans les cours de récréation, est sanctionné, souvent de coups de règles ou de coups de bâtons. Même les prêtres peuvent alors être inquiétés pour usage du breton dans les leçons de catéchisme. Ceci ne va pas sans poser problème : on continue en effet à parler breton dans els campagnes, où le français est peu ou pas connu d’une majorité d’habitants.


B-Republicanisme, socialisme, syndicalisme
Avec la disparition progressive du l'ancienne Bretagne, trois tendances tendent à s'affirmer dans le caractère Breton. Tout d'abord, le républicanisme, courant de pensée politique se substituant au monarchisme, commence à gagner progressivement du terrain sur la droite divisée dès 1902, jusqu'à lui prendre définitivement sa place dominante. Dans cette otpique de promotion du système démocratique, le mouvement catholique social "Le Sillon" est créé en 1891, avec pour objectif de rallier les catholiques à la république et rapprocher le clergé des ouvriers, tout en délaissant, nous l'avons déjà dit, le camps affaibli des conservateurs. En Bretagne, il se manifeste par le biais de son journal très actif, L'Ajonc, dont les responsables, Desgrée et Bodin tiennent un rôle politique important. Ce mouvement peut, à bien des égards, se rapprocher d'une prémisse de Vatican II, voulant une église ancrée dans son siècle et proche des populations. Mais outre ce parti d'origine papale, des action locales ont lieu pour rammener les catholiques dans le camps des républicains, ainsi, Albert de Mun, député morlaisien, regroupe autour de lui un grand nombre d'entre eux jusqu'à 1914 . Par son influence, il parvient donc à organiser le retour des élites et des personnes les plus influentes vers les idées nouvelles et à les arracher à l'influence des conservateurs. La tendance politique en 1914 est donc clairement républicaine.

En même temps, dans la tradition bretonne de l'opposition aux décisions centrales et aux abus à l'encontre de la population, le syndicalisme connait un succès non négligeable. Avec la loi du 21 mars 1884 qui autorise les organisations professionnelles, le développement des syndicats ouvriers et patronaux est réellement très important, le premier patronal est fondé en 1873 à Nantes, preuve que les bourgeois, autant que les ouvriers désirent protéger leurs droits et avantages. Concernant ces derniers, entre 1903 et 1914, on assiste à la création de quelques 35 syndicats nouveaux, avec des effectifs syndiqués qui passent de 20 000 en 1900 à 40 000 en 1914. Le pouvoir des ces organisation est donc très important, et les ouvriers disposent de moyens d'expression et de défense efficaces. Pour renforcer ce poids croissant et assurer leurs arrières en cas de grève prolongée, des bourses du travail sont crées dans de nombreuses villes comme à Brest. Celles ci premettant d'assurer le maintien d'un minimum financier lors des conflits face aux patrons, pour ne pas être réduit à coopérer par manque d'argent. De grandes figures politiques bretonnes comme le futur député de Quimper, Le Bail, qui opère une campagne entre 1896 et 1897 pour organiser les syndicats, ainsi qu'en permettre une certaine cohésion, assurant ainsi une plus grande efficacité, et Yves Guyader, père du syndicalisme morlaisien, qui organise un grande grève à Morlaix en 1904, le peupls breton commence à prendre du pouvoir et à compter sur l'échiquier politique et économique. Déjà, en 1897, à la suite de l'introduction dans les conserveries de machines destinées à remplacer une très grande partie des employés et donc mettre au chomage une population très importante, de très violentes grèves ont lieu, avec des pillages d'usines et autres actes violents. Cela conduit à la création de syndicats destinés à protéger les ouvriers du secteur maritime dans des ports de pèche comme Guilvinec, Concarneau, Plougasnou, Plouhinec, Audierne, ainsi que des patronaux à Penmarch, Camaret. Entre 1903 et 1906, il faut parler d'effet de fermentation sociale, le peuple commençant à bouger en masse et s'oposant à tous les rouages de l'économie qui négligent le facteur travail. De 1903 à 1914, on enregistre 881 grèves dans des centres situés sur le littoral et dans l'industrie, notemment les conserveries, les arsenaux, la métallurgie et même la pêche. Celles ci se font en général pour une augmentation des salaires mais montrent une volonté du peuple de ne plus se laisser faire. Les femmes, nouvelles venues dans le monde actif officiel prennent place croissante dans les activités syndicalistes. Dans les syndicats à Nantes et à Morlaix, elles sont majoritaires, ce qui marque le début de leur émancipation vis à vis des hommes, qui sont bien forcés de se soumettre à leur volonté dans ces villes. En 1903, lors d'une des plus importantes grèves de cette époque, une femme, Mme Blasée est tuée par les forces de l'ordre à Cancale. Cette grêve, dite de Hennebont, qui dure 40 jours, a pour motif une demande d'augmentation des salaires de 50 centimes de franc, par rapport au salaire de 1,75 francs actuel. Elles mobilise 1500 ouvriers qui reprennent les travail avec une augmentation de seulement 0,25 centimes. Cette grève est suivie en 1907 de celle des dockers nantais, qui dure du 13 mars au 1er mai, une durée qu'explique la fermeté des syndicats et une volonté affirmée de ne pas cèder.

A la demande des socialistes bretons, se plaignant du désintérêt des têtes parisiennes de la Bretagne, le député Jean Jaurès effectue en 1900 une tournée dans les villes de Brest, Nantes et Morlaix. Cette visite souligne bien l'importance croissante des socialistes dans l'électorat breton. Celle ci est visible en 1902 grâce à l'augmentation du nombre de députés socialistes. Dans le Finistère on en compte 4, dans les Côtes du Nord, 3, dans chacun des trois autres départements bretons, un seul est élu. Le poids du parti n'est donc pas encore très important, mais cette tendance politique tend cependant à s'affirmer.Par ailleurs, elle implique des avancées sociales significatives avec l'élection de l'ouvrier socialste Victor Aubert en 1904 à Brest comme maire, ce qui permet pour la prémière fois à un "prolétaire" d'accéder à une charge importante. Pour renforcer les positions encore faibles des socialistes, le journal Le citoyen est fondé par George Le Bail en 1906 pour défendre leurs opinions politiques, et ainsi gagner le vote des populations. Lors des élections de mai 1906, il est possible de constater les progrès faits en quelques années. Ils ont gagné deux circonscriptions ( Guingamp et Saint Malo ) à Guingamp, le député élu n'est autre que le comte de Kerguézec, qui a participé à l'élévation de la statue de Renan devant la cathédrale de Tréguier. Dans les élections municipales, ils rencontrent également de plus en plus de succès ( Lorient, Rennes), parfois plus fragile (Concarneau, Quimper) voire d'autres avec de maigres succès (Morlaix). La montée de ce parti aujourd'hui dominant en Bretagne se fait donc lentement mais surement durant la Belle Epoque, il suit de très près les progrès sociaux et mutations du tissus politico-religieux du début du Xxe siècle.

C-Régionalisme & patriotisme à la veille de la première Guerre Mondiale
Dans le bouillonnement des luttes menées au nom de la justice sociale, de la liberté scolaire ou de l’anticléricalisme, les premiers développements du mouvement régionaliste passent quelque peu inaperçus. L’Union régionaliste bretonne, premier parti régionaliste breton, est créée en 1898, sous la présidence d’Anatole Le Braz, très attaché à la survivance de la culture bretonne, en particulier de ses légendes. Il s’agit là d’un parti conservateur. C’est donc moins une volonté d’indépendance de la Bretagne qu’un attachement important à sa culture qui motive les régionalistes. En 1905, sous l’impulsion de l’abbé Perrot, l’association du Bleun Brug affiche l’ambition de maintenir les traditions bretonnes et l’usage de la langue.
Suite à une scission de l’Union régionaliste bretonne, deux partis sont fondés en 1911 : le Parti Nationaliste Breton d’une part, la Fédération Régionaliste Bretonne d’autre part. Les régionalistes sont plus modérés que les nationalistes : ils protestent contre la centralisation excessive de la politique française et souhaitent davantage d’autonomie. Au congrès fondateur de la Fédération, son président déclare ainsi : « Nous voulons une décentralisation et une autonomie normale qui permettent le plein développement de nos intérêts et des qualités de notre race; un respect aussi de nos traditions ancestrales". Les nationalistes, quant à eux, attaquent plus frontalement la France et regrettent clairement le temps de l’indépendance bretonne. Voici ce que mentionne l’article 5 de son manifeste : « Article 5. On nous croit écrasés, annihilés, assimilés, francisés. C'est faux! Il y a encore, dans l'âme bretonne, quelque chose qui résiste et qui survit, quelque chose que l'on a voulue étouffer, anéantir et qui demeure aujourd'hui aussi vivace et robuste qu'au temps de notre indépendance et cela, conscient ou inconscient, c'est le sentiment National ».
On trouve essentiellement deux théoriciens du nationalisme breton. Lionel Radiguet, qui en 1904, diffuse 100 000 exemplaires de sa Constitution nationale pour une République bretonne et Emile Masson qui, en 1912, écrit Antée ou les Bretons et le socialisme : pour un socialisme breton. Ainsi, on trouve tant des conservateurs que des socialistes au sein du mouvement régionaliste et nationaliste breton. Avec le développement d’un tel nationalisme breton, au succès certes relativement confidentiel, quel rapport unit les Bretons à la République française, tandis que nous sommes à la veille de la Première Guerre mondiale ? Les Bretons se joignent-ils à l’Union Sacrée ou cherchent-ils à prendre une revanche sur douloureuse Séparation imposée par l’Etat ? Nombre de prêtres, dans leur sermon, considèrent la guerre comme une punition divine. En 1914, l’archevêque de Quimper rappelle la « faute » de la République qui a expulsé les religieuses et volé les prêtres. L’archevêque de Rennes, quant à lui, déclare que « la France a mérité les châtiments qui la frappent (…) par ses actes d’impiété contre Dieu et contre les âmes ». Mais très vite, c’est une lecture chrétienne de la guerre qui prévaut. Le verbe de guerre des ecclésiastiques bretons est bien mis au service de l’Union Sacrée et du patriotisme, mais c’est mots d’ordre sont présentés comme des manifestations de la foi. En mettant en valeur leur mobilisation pour la Grande Patrie, les catholiques bretons donnent la preuve de leur loyauté à l’égard d’un régime qu’ils jugent injuste à leur endroit. En affirmant leur identité bretonne, ils défient la République une et indivisible. En considérant la guerre comme une régénération et une restauration possible de « la fille aînée de l’Eglise », ils interrogent le pacte républicain.
De fait, il semble que, dans une large majorité, les Bretons partent de leur plein gré défendre la France, pas moins que dans les autres régions en tout cas. Ainsi, l’écrivain et membre influent de la Fédération Régionaliste Bretonne, Jean-Pierre Calloc’h écrit clairement : « La France m’a appelé pour garder son honneur » ; il se rend au front, où il sera tué en 1917. Malgré les quelques revendications nationalistes, les Bretons semblent patriotes, du moins partent-ils défendre la France sans protestations. La IIIème République a donc réussi à intégrer les Bretons dans la nation française, des Bretons qui paient un lourd tribut pendant la Première Guerre Mondiale : on estime aujourd’hui le nombre de poilus bretons morts pour la France à 125 000. On a ainsi souvent pu parler de « sacrifice breton » ou de « Bretons chair à canon » : les raisons d’un tel nombre semblent toutefois plus complexes que l’hypothèse d’un complot contre une population jugée par trop conservatrice voire antirépublicaine.
Quoiqu’il en soit, il convient de noter que les mouvements régionalistes et nationalistes bretons n’ont pas manifesté d’ambiguïté dans leur engagement pour la France à la veille de la Première Guerre Mondiale, ce qui ne sera pas le cas pendant la seconde : le Bezen Perrot, unité nationaliste bretonne, collabore ainsi avec le régime nazi, au point d’intégrer la Waffen SS, l’armée allemande. Il convient aussi de noter que les mouvements régionalistes dont nous venons de parler n’ont rien à voir, dans leurs moyens et leur puissance d’action, avec le FLB, le Front de Libération de la Bretagne et l’ARB, l’Armée Révolutionnaire Bretonne, qui multiplient les attentats dans les années 1960 à 1980.

Adrien Le duc

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Date d'inscription : 05/05/2011

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